J'ai toujours dit qu'on n'est jamais en colère pour la raison qu'on pense. Je m'explique.
La plupart du temps, nous déversons notre trop-plein sur les personnes qui se présentent là devant nous parce que la mer d'émotions qui nous submerge devient tout à coup ingérable. Ainsi, un serveur un peu maladroit, un conducteur un peu lunatique ou un collègue un peu lent nous donneront raison de péter un câble.
En réalité, toutes ces personnes ne sont pas concernées par l'histoire qui nous préoccupe réellement, mais l'énergie négative qui nous habite semble attirer tout ce qui, de près ou de loin, a une chance de causer de la friction ou de la contrariété.
Je vous donne un exemple :
Ce matin, Félix débute sa journée en faisant le reproche à sa femme, Betsy, d'avoir oublié de passer chez le nettoyeur pour récupérer la chemise qu'il comptait mettre pour sa réunion importante. Du coup, Betsy se sent offusquée par le ton désobligeant de son mari car elle trouve qu'elle en fait déjà énormément dans le couple. Ainsi, Félix et Betsy partent chacun pour le boulot sans même se faire la bise.
Arrivé à son bureau, Félix constate que son adjointe a oublié de faire le nombre de copies qu'il avait demandé pour la réunion et il lui tombe sur la tomate. Celle-ci trouve sa réaction quelque peu exagérée, mais s'exécute aussitôt, non pas sans se mordre les lèvres pour éviter de lui répondre.
De son côté, Betsy arrête au service à l'auto d'un Tim Hortons pour aller chercher des gâteries pour son équipe. C'est une tradition à laquelle elle tient; le troisième jeudi de chaque mois, elle paye la traite à ses collègues.
Une fois rendue au bureau, elle constate qu'il y a erreur sur la commande. Elle avait demandé six beignes et six muffins assortis, mais il n'y a que des beignes. Du coup, elle se met dans une très grande colère et nous sort un sermon interminable sur le mauvais service auquel on a droit de nos jours.
En cinq minutes, c'est tout le moral des troupes qui est affecté par la crise de notre amie, Betsy. Ce qui se voulait être un geste de reconnaissance envers l'équipe prend tout à coup des couleurs de règlement de compte. En fait, en arrière-plan, Betsy est toujours offusquée par la remarque de son mari qu'elle interprète comme un reproche qui va bien au-delà des chemises chez le nettoyeur. Elle se sent attaquée dans son rôle de partenaire et de mère de famille.
De son côté, Félix continue à froisser toute personne qui croise son chemin ce jour-là et, pour ce qui est de son adjointe, c'est sur son fils qu'elle « se venge » le soir venu lorsqu'elle rentre chez elle et qu'elle constate qu'il a négligé de vider le lave-vaisselle.
Pour comble, l'adolescent s'en prend lui aussi à un innocent : le chat qui passait par là.
Ouf! Vous voyez tout le chemin que la colère a parcouru! Elle est partie de Félix qui, probablement, était angoissé par rapport à sa réunion importante et qui a laissé sortir un peu de pression en déversant sa mauvaise énergie sur sa conjointe. Puis, sur son adjointe.
Betsy, elle, a fait plusieurs victimes en une seule intervention et, probablement, si on suivait la journée de chacune des personnes présentes au cours de la fameuse scène, il y aurait d'autres déversements de colère injustifiés.
Tout ceci pour vous dire qu'on n'est jamais réellement en colère pour la raison qu'on pense. Il y a toujours un autre élément que l'on ignore qui crée une tension et qui fait qu'on va souvent démarrer au quart de tour. Cela ne justifie pas nos sautes d'humeur, bien que ça puisse tout de même un peu les expliquer. (Clin d'oeil)
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