Billet publié dans La Presse du dimanche, 1er septembre 2019 Je suis tombée dernièrement sur une publication Facebook qui m’a littéralement bouleversée, au point où mon conjoint, qui me regardait verser de chaudes larmes sans pouvoir m’arrêter, se demandait pourquoi le sujet me touchait autant.
L’auteur de la publication faisait appel à tous les « profs » du secondaire afin de les inviter à réfléchir au fait que tous les enfants qui se présenteront devant eux cette année arrivent avec un bagage de vie qui n’est pas toujours évident, ce qui, vraisemblablement, risque d’influencer leur motivation, leur attitude et leur comportement.
Il rappelait aussi aux enseignants à quel point ils étaient les mieux placés pour faire une différence dans la vie de ces adultes en devenir. Lourd mandat, vous me direz ? En effet. Mais combien gratifiant lorsqu’on y pense.
Du coup, mon cœur de mère s’est mis à saigner en pensant à tous ces jeunes qui n’ont connu que le mépris et la violence depuis leur naissance et à qui on demande aujourd’hui d’être responsables et civilisés.
On les invite à embarquer dans le grand train de la vie alors que leur coffre à outils est totalement vide. Ils ne peuvent donc que compter sur eux-mêmes pour avancer dans l’épais brouillard que l’avenir doit leur paraître.
Rappelons-nous tous les défis que représente la période de l’adolescence, et ce, pour toute personne dont la vie est considérée comme normale, et combien ces défis doivent être décuplés pour celui ou celle qui n’a jamais connu un foyer aimant, ou dont on n’a jamais pris soin ou qu’on n’a jamais pris la peine de valoriser.
Cela me ramène à ma propre enfance alors que j’étais totalement terrorisée par l’école au point de ne plus en dormir la nuit. Des années d’anxiété et d’insomnie ! Tout cela parce qu’au départ, je pensais que je n’avais aucune valeur. Cette croyance n’était évidemment pas étrangère à la façon dont j’avais été traitée et cette marque au fer rouge, je l’ai portée en moi une grande partie de ma vie. C’est elle qui m’a définie pendant de nombreuses années.
Sur les bancs d’école, mon mal-être à moi, je l’ai exprimé à travers une timidité maladive qui m’a amenée à vouloir devenir invisible. J’étais celle qu’on ne remarque jamais. J’aurais de loin préféré devenir une enfant rebelle pour au moins sentir que j’existais, mais je n’avais pas une once d’estime à mon actif pour aspirer à ce titre.
Quand j’y pense, c’est probablement le revers d’une même médaille. Une souffrance identique, mais exprimée différemment. La première nous amène à vouloir tout extérioriser en utilisant la révolte et la confrontation, et la seconde nous amène à vouloir tout étouffer en nous faisant le plus discrets possible. Comme quoi chacun en arrive à trouver son propre mode de survie…
J’ai toujours pensé et je pense encore qu’il n’y a pas de mauvaises personnes, mais seulement des gens qui souffrent. Mais attention ici : cela n’enlève en rien la responsabilité qui incombe à chacun.
En réalité, les enfants perturbés ou qu’on dit perturbateurs ne font que perpétuer les blessures non guéries de leurs propres parents. C’est un bien triste legs qu’ils ont reçu et aucun mode d’emploi pour s’en sortir.
Tout comme l’auteur de cette publication Facebook qui a ramené ma propre détresse d’enfant socialement inadaptée à la surface, je crois aussi que la valorisation peut venir d’ailleurs que de notre propre famille. En tant qu’adultes qui côtoient des adolescents, nous avons tous un rôle à jouer dans le fait de leur faire sentir à quel point ils ont du potentiel et à quel point ils méritent d’être appréciés et aimés.
Et pour ce qui est des enseignants… Un merci du fond du cœur à tous ceux et celles pour qui la réussite humaine surpasse la réussite scolaire, car oui, il est possible de changer une vie en s’arrêtant tout simplement pour écouter ce qui a besoin d’être exprimé, et ainsi permettre à tous de mieux se comprendre. Lire la version originale dans La Presse